Pourquoi j'ai préféré risquer l'infection et le risque suicidaire

Plutôt que d'appeler les urgences psychiatriques

TW : détail plaies, maltraitance psychiatrique, autres dits dans le titre

Cet été j’ai été hospitalisée.
Si on veut une histoire courte, on peut se dire :
Les 3 premiers mois de l’année j’ai mangé pour oublier;
Les 3 mois suivant j’ai bu pour oublier, j’ai commencé à fumer;
Les 3 d’après j’ai constamment fuit l’hospitalisation;
Puis j’ai été en hôpital 2 semaines et demie;
Puis repartie sur mes pieds j’ai continué ma vie.


Mais il y a plus que ça. Il y a le fait que depuis la dernière hospitalisation (celle de l’hiver dernier) et ma sortie du dit hôpital, ça n’allait pas. Il y a que je me suis menti aussi fort que j’ai pu pour éviter une future hospitalisation, et je me suis battue aussi. Mais comme le résumé laisse entendre ça n’a pas du tout suffit, et ça allait de plus en plus mal. Par petites périodes, puis par périodes plus longues. J’étais déconnectée, ou bien purement suicidaire. Les pensées intrusives étaient là, la fatigue aussi.

Heureusement je ne recours pas à la mutilation souvent. Malheureusement, quand j’y recours c’est assez brutal, et c’est souvent proche des veines sur l’avant bras. Parce que quand je recours à la mutilation, ce n’est pas pour lâcher de la colère, du dégoût, reporter une douleur physique contrairement à la mentale parfois insupportable. Quand je recours à la mutilation, c’est que je veux crever si fort, que je fais cet espèce de marché avec mon esprit : ok je coupe, mais on ne fera pas de phlébotomie, ok ? On fait ça et tu te calmes un peu, d’accord ?
Ça marche plus ou moins bien évidemment. Généralement j’arrive à endiguer la chose en prenant soin de mes plaies, à coup de désinfection, lavage, bandage, etc. Le processus de soin finit par remplacer celui mutilatoire.

Mais la dernière fois, ça ne fonctionnait pas. J’ai fini par creuser, à la lame de rasoir, dans mon bras, là où j’aurais creusé pour une phlébotomie*. Je m’arrêtais juste avant que ça soit trop profond, et c’était la seule façon de me rassurer : si je veux partir, il ne restera que le dernier pas à faire. Chaque jour ça tentait de cicatriser, chaque jour je rouvrais la plaie, la rendais plus longue, plus profonde. En parallèle, j’attendais une réponse finalement pour une hospitalisation. Ça a duré un moment, puis un jour je suis allée en ville avec mon copain.

Il a vu la plaie, il m’a fait aller en pharmacie pour avoir le nécessaire pour désinfecter et soigner. En pharmacie on me dit “il faut des points” je réponds “ce n’est pas possible elle est trop datée”, “vous avez de la chance que ça ne se soit pas infecté, on aurait dû gratter jusqu’à l’os”, on me donne des strips pour recoller la chair à la chair. Pendant ce temps j’apprends que je vais devoir attendre encore quelques jours avant l’hôpital psychiatrique.

Pendant tout ce temps j’aurais peut-être pu appeler les urgences.
Mais ces mêmes urgences avaient recueillit une amie récemment, phlébotomie et mutilations. Comme ils n’avaient plus de place en chambre plus surveillée, ils l’ont attachée au lit et dopée aux médicaments pour qu’elle ne puisse rien faire. Pendant un temps elle n’avait plus non plus l’accès au téléphone.

Alors, oui, j’aurais pu appeler les urgences. Ou mon copain aurait pu : j’ai insisté pour qu’il ne le fasse pas. Vu mon état, ça aurait probablement été dans les mêmes conditions.
Vu mon état, je préférais la solitude de mon appartement, et l’horreur de ma dépression, que d’avoir la solitude d’une chambre, l’horreur de ma dépression, et ma liberté de mouvement et de choisir mes soins complétement atteinte.

Je préférais risquer l’infection et un jet suicidaire que la brutalité des enceintes psychiatriques dans le milieu des urgences.

*phlébotomie : incision d’une veine pour en retirer du sang